Réalité dés/augmentée 2.0

De 3 mai au 21 juin 2025
Vernissage : Le samedi 3 mai 2025 de 15 h à 17 h
Gilles Tarabiscuité : Réalité dés/augmentée 2.0

Texte par Rebecca Johnson
Traduit de l’anglais par Valeria Márquez Reynoso

Gilles Tarabiscuité crée des images et des espaces qui brouillent les frontières entre le monde réel et le métavers en utilisant des pratiques numériques telles que l’IA et la modélisation 3D. Son travail complique notre perception de la « réalité » en obligeant les visiteur.euses à reconsidérer les notions préconçues de leur environnement, les incitant finalement à se demander – selon les mots de Tarabiscuité – « le monde réel est-il plus vrai que le monde virtuel ? »

Dans Réalité Dés/Augmentée 2.0, Tarabiscuité présente Projet nº 13, qui met en scène une réplique d’une cuisine des années 1970 enveloppée d’un jaune monochrome et placée dans une grande boîte rectangulaire à l’intérieur de la galerie. L’artiste démonte d’abord la cuisine d’un chalet québécois voué à la démolition. L’espace de la cuisine d’origine est ensuite réinstallé dans le salon-atelier de l’artiste. Ensuite, tous les meubles, ainsi que les objets soigneusement sélectionnés, sont restitués dans le monde virtuel grâce à la modélisation 3D. Tarabiscuité reconstruit ces mêmes éléments sous forme de fac-similés physiques en utilisant du bois, du plastique, du verre et d’autres matériaux, et les peint tous du même jaune vif. Il recrée ensuite la cuisine à l’aide de ses homologues fabriqués, ou « faux », dans un espace maniable. Une fois dans la galerie, les visiteurs accèdent à la fois à l’espace physique, représenté par les répliques monochromatiques, et à un espace virtuel immersif, qui révèle la cuisine originale en 3D, grâce à des casques de réalité virtuelle (RV).

Cette convergence des espaces est précisément ce qui remet en question notre conception de la réalité. Lorsque les visiteur.euses interagissent avec les copies de meubles et d’objets quotidiens, iels découvrent un espace à la fois familier, par sa forme et son agencement, et inconnu, par sa couleur et sa présentation. Lorsqu’iels naviguent ensuite physiquement dans l’espace virtuel qui révèle la cuisine originale, iels sont à nouveau confronté-es à la dichotomie du commun et de l’inhabituel, cette fois en étant témoins d’un monde réel par le biais de moyens simulés. Projet nº 13 évoque donc les thèmes de l’absence et de la présence en montrant simultanément ce qui est là et ce qui n’est pas là. La cuisine réelle n’existe pas dans l’espace de la galerie, mais lorsqu’iels sont immergé-es dans la RV, les visiteur.euses peuvent voir une vraie cuisine et iels peuvent interagir avec un espace réel (en s’asseyant à la table ou en ramassant un objet) – alors est-ce réel ou non ?

Le choix stratégique d’un espace domestique suggère en outre une expérience apparemment connue. L’esthétique des années 1970 fait référence à la cuisine de la jeunesse de Tarabiscuité et est équipée d’objets tangibles qui symbolisent des moments de son enfance – comme des boîtes de macaroni au fromage de marque, une bouteille de ketchup et même une vidéo en boucle d’un match des Canadiens sur le téléviseur. Pour l’artiste, le processus de création peut fonctionner comme une forme de deuil, en réfléchissant au temps, aux objets et aux personnes perdues. Qu’il s’agisse d’un lien personnel avec ce lieu spécifique, la familiarité de la cuisine – vue et accessible de manière non conventionnelle – peut évoquer divers souvenirs pour celleux qui y sont immergé-es, rappelant une époque où les technologies numériques et virtuelles n’imprégnaient pas encore notre quotidien de manière aussi radicale. En présentant aux spectateurs un espace reconnaissable d’une manière non reconnaissable, Tarabiscuité les invite finalement à s’interroger sur la manière dont le monde numérique complique ce qui est familier, ce qui est réel, ce qui est notre passé et ce qui est notre avenir.

L’artiste tient à remercier les collaborateur.rices au projet :
Plans architecturaux : Yseult St-Jacques (Canada)
Modélisation 3D : Maïté Ligot (Canada), Anindya Manna (Inde)
Designer immersive (Unity) : Casey Alexander (Canada)
Photographies : Shin Yatagai (Japon), Miao Zhao (Chine)