Vernissage : Le samedi 4 mai de 15h00 à 17h00
Conférence d’artiste: Le samedi 4 mai à 14h00
Texte de Paule Mackrous
Depuis sa création en 1950, Barbie est rapidement devenue la poupée la plus populaire en Occident. Si elle fut et est encore adorée par des millions de jeunes filles (et de jeunes hommes!) qui ont passé des heures à brosser sa tignasse blonde, rousse ou brune, elle est, depuis les années ’90, largement critiquée. Avec sa poitrine opulente, ses longues jambes et sa taille fine, elle est non seulement le sujet d’une argumentation sur les standards de beauté qui s’inscrit dans les discours féministes, mais aussi un objet directement manipulé, transformé et remixé par les artistes pour mener une réflexion sur les genres.
Dans Dollhouse, Dina Goldstein revisite à son tour la figure iconique de Barbie pour s’intéresser plus particulièrement à la relation imaginaire qu’entretient la poupée avec son homologue masculin, nul autre que Ken Sean Carson. Par le truchement d’une série de mises en scène évoquant le quotidien de ce couple en plastique, Goldstein nous fait réfléchir sur la notion d’intersexe . Elle définit celle-ci comme un entrelacement des rôles sociaux propres à chacun des genres. Au contact des images, la polarité entre le féminin et le masculin, toute construite par des normes sociales dont on oublie souvent la malléabilité, s’effrite peu à peu. On aperçoit Ken, prototype du métrosexuel avant l’heure, lisant des magazines de femmes, revêtant des escarpins roses fluo ou encore, se rasant les jambes dans un bain de mousse. Il partage également le même fantasme que Barbie, c’est-à-dire, celui d’être sauvé par un soldat viril. Les expressions faciales de Barbie traduisent quant à elles son découragement à l’égard des comportements efféminés de Ken. L’une des photographies nous dévoile Barbie en complet-cravate, ciseau à la main : elle a coupé sa longue chevelure blonde, un des traits physiques emblématiques de sa féminité. Les images, par les actions qu’elles évoquent, créent ainsi des étrangetés qui déjouent sans cesse nos attentes, remettant en question nos propres préconceptions des genres et de leur rôle respectif dans le foyer comme dans la vie sociale.
Pour créer sa série de photographies, l’artiste a recréé la maison de Barbie à échelle humaine, avec ses murs roses, ses accessoires féminins et ses meubles délicats. Elle y a fait entrer deux modèles qui, maquillage à souhait, incarnent les deux poupées. L’effet est surréaliste : on peine à y voir là du vivant. Cet aspect ne peut que nous évoquer les Valeria Lukyanova (surnommée la « Barbie vivante ») de ce monde et l’empire grandissant de la chirurgie esthétique qui, bien plus que d’offrir l’opportunité de rehausser ou de masquer certains de ses traits physiques, permet aujourd’hui de transformer entièrement son apparence. Les photographies de Goldstein ouvrent ainsi une véritable réflexion sur la relation entre le déterminisme biologique et les genres. Elles font voir la plasticité, voire la malléabilité du corps et des comportements de celui qui l’habite.