Vernissage : Le samedi 7 mars 2020 de 15 h à 17 h
Dina Goldstein : Gods of Suburbia
Art Mûr, Montréal
Le dimanche 8 mars 2020 de 16 h à 17 h 30
Rencontre avec l’artiste
Le Musée du Montréal juif
Texte de Noémie Chevalier
Dina Goldstein est connue pour son travail photographique conceptuel et complexe dans un style pop-surréaliste. Ses premiers projets d’envergures, In the Dollhouse et Fallen Princesses ont reçu un large succès. Dans In the Dollhouse, il s’agit d’une exploration de la beauté, du pouvoir et de la sexualité à travers des images mettant en scène le célèbre couple de poupées trop parfaites, Ken et Barbie. La seconde jette un regard ironique sur les princesses de Disney, en les imaginant dans des scénarios réels qui se terminent de façon moins heureuse.
Basée à Vancouver, Goldstein explore cette fois-ci un territoire quelque peu différent. Gods of Suburbia présente une analyse visuelle de la place de la religion et de la foi dans le monde d’aujourd’hui. Dans les mises en scène qu’elle crée, la photographe place des figures centrales de la religion, objets de la foi de nombreuses personnes, dans des situations modernes, qui mettent en évidence les points de friction entre les messages et les significations de ses dieux et les modes de vie des banlieues.
Dans Last Supper, East Vancouver, Dina reconstitue à l’aide de la célèbre fresque de Léonard de Vinci L’Ultima Cena, le repas entre Jésus et ses apôtres en gang de rue dans le Centre-ville Est de Vancouver. Cette partie de la ville connait une extrême pauvreté, où la toxicomanie et l’alcoolisme font des ravages. Cette reconstitution tend à nous montrer le paradoxe dans nos sociétés, où les inégalités sont toujours plus grandes et l’avidité de certain plus forte pour atteindre les sphères du pouvoir (le personnage de Judas en témoigne).
Il existe des lignes de fracture de la société que constituent l’immigration et les banlieues. Avec Ganesha, on découvre ce fameux personnage de l’hindouisme, du sud de l’Inde, il est le dieu qui supprime les obstacles, reconnaissable avec sa tête d’éléphant. En tant qu’immigrante ce portrait rappelle à Goldstein toute l’intimidation et les moqueries qu’elle a connue sur les bancs de l’école. La différence pousse indubitablement vers l’isolement, à intérioriser nos sentiments et nos croyances. C’est un jeu dangereux, qui conduit à toute forme d’extrémisme, alors qu’en restant ouvert sur d’autres pensées, d’autres cultures ont ressort grandis, tolérants, épanouis et cela améliore nos vies.
Avec Bouddha, Goldstein veut illustrer la commercialisation de la religion et ainsi la dichotomie entre des concepts religieux et notre mode de vie d’aujourd’hui. En effet, le choix du décor d’une épicerie haute gamme reflète les désirs et la recherche de bien-être des occidentaux, mais également l’illusion de produits « biologiques » grâce à une belle étiquette. Pourtant, bien loin des idéaux du bouddhisme qui considère entre autres l’ignorance comme un poison, le narcissisme et le désir occidental les amène à se bander les yeux en permanence.
Gods of Suburbia met les spectateurs au défi de réfléchir à la manière dont l’iconographie complexe affecte la façon dont les gens envisagent leurs dieux, si finalement nous avons besoin de la religion pour nous rendre moraux et bons, et si la religion a encore un sens dans la société moderne.