Texte de Geneviève Lafleur
Sommes-nous ce que nous croyons être, ce à quoi nous aspirons, ou serions-nous plutôt l’image que nous projetons sur autrui? L’artiste canadienne Diana Thorneycroft questionne, à travers sa production photographique des deux dernières décennies, l’acte de définition identitaire, ses paramètres et son caractère construit. Plusieurs explorations antérieures des thématiques de l’identité personnelle, sexuelle et genrée, l’ont mené à s’intéresser plus récemment au fonctionnement et au concept de l’identité collective.
La série qu’elle nous présente, A Group of Seven Awkward Moments, explore cette dernière idée en se penchant sur le sujet de l’identité nationale, ici canadienne. Thorneycroft utilise différents symboles de l’identité nationale canadienne (paysages sauvages, chandails à l’effigie d’équipes de hockey, drapeau fédéral, bannière commerciale d’une chaîne de restauration bien connue, etc.) qu’elle intègre à ses mises en scène. Un élément s’avère récurrent : l’utilisation, pour fond visuel, de reproductions de paysages peints par Tom Thomson ainsi que par différents membres du Groupe des Sept.
Thorneycroft emploie de nombreuses figurines et autres jouets pour réaliser des mises en scène perturbantes, empreintes d’humour noir, qui s’avèrent souvent absurdes : castors et humain se disputent la coupe de mâts totémiques alors qu’un aigle à tête blanche s’envole en emportant entre ses serres un singe (Beavers at Woo at Tanoo); un paysage d’hiver montrant le poteau métallique d’un drapeau canadien recouvert de langues ensanglantées tandis que s’accumulent autour les enfants blessés (In Algonquin Park), etc. Le résultat visuel consiste en des dioramas insolites qui foisonnent d’éléments disparates et de détails. Les paysages du Groupe des Sept, bien que relégués physiquement au statut d’arrière-plan bidimensionnel, s’avèrent essentiels à la dynamique visuelle instaurée par Thorneycroft : en effet, leur aspect quasi flegmatique exacerbe l’action qui est présentée à l’avant-scène.
La pertinence et la justesse de la sélection de ces tableaux relève de l’ambition première des membres du Groupe des Sept : désireux de mieux transposer visuellement les contrées et paysages sauvages du Canada, ils souhaitaient aussi se démarquer esthétiquement de l’école européenne pour donner naissance à celle canadienne.
Par la combinaison de ces paysages calmes et agréables à des scènes de catastrophes et incidents, l’artiste désamorce la portée mythique de ces symboles face au concept d’identité nationale en en dénonçant le caractère construit et artificiel.