Du 12 janvier au 27 février 2010
Texte de Catherine Barnabé
Marcel Duchamp n’est jamais bien loin lorsque des artistes transposent des éléments du quotidien vers l’art. Tout près aussi quand il est question des rapports de tension entre la sexualité et le regard, la vision. Son ombre surgit sporadiquement en art contemporain pour permettre l’élaboration d’un fil de pensées, pour valider ou expliquer des formes. Formes qui souvent sont des appropriations, des redéfinitions utilisées avec sarcasme ou de façon politique.
La pluralité des médiums (peinture, installation, sculpture, textile, œuvre digitale, bijou) avec lesquels Colleen Wolstenholme travaille pourrait laisser croire à un éparpillement, à un désir trop grand de tout explorer mais l’artiste a un leitmotiv fort qui sublime tout : le soucis d’une réflexion sur la condition féminine. C’est donc ce qui lie le disparate; les moyens qu’elle prend ne peuvent être que pluriels pour explorer, faire résonner son discours. Ses œuvres se font écho, souvent avec une volonté assumée de provoquer tous et chacun, peu importe le parti pris. La Néo-Écossaise produit un art engagé qui l’est par essence, présentant un point de vue subjectif sur la situation féminine actuelle mondiale par le biais des figures qu’elle s’approprie.
Depuis plus de dix ans, l’artiste utilise comme forme de prédilection la pilule (Prozac, Valium, Paxil, Xanax, Dexedrine) qui n’est pas exploitée pour ses propriétés de médicament mais plutôt pour ses qualités esthétiques et pour le discours qui peut en émaner. Elle utilise ce modèle qu’elle agrandit démesurément pour créer des pièces au sol ou elle en confectionne des bijoux qui troublent le regard qu’on leur porte. Nous constatons ici deux possibilités de discours : formel, une réflexion sur la sculpture minimaliste qui change notre rapport à l’espace d’exposition, puis critique en ce qu’il souligne l’utilisation excessive d’antidépresseurs, et ce souvent par des femmes.
Les images des femmes que Colleen Wolstenholme présente ne sont pas les plus répandues mais les plus percutantes, dérangeantes : des femmes voilées, des religieuses, des femmes oppressées, des corps nus. Elle pose une réflexion sur l’identité perdue à force d’impositions, de contraintes. Multipliant cette imagerie ou l’associant à des motifs de camouflage, lesquels ont subi un léger décalage : on y perçoit des fragments de ce qui pourrait être des logotypes. Un mélange qui fait surgir un doute dans l’expérience esthétique, qui paraît être incohérent mais qui porte à une réflexion dense et à la fois précise. L’œuvre de Wolstenholme se charge d’une pensée féministe où la répétition du motif devient primordial pour la création du récit.