Cal Lane: Veiled Hoods and Stains
Texte de Eunice Bélidor
Le mariage d’une formation pluridisciplinaire qui compte peinture, soudure et sculpture permet à l’artiste Cal Lane de créer des œuvres en constante opposition. Les privilégiés qui ont pu admirer ses Tanks (2013) lors de la dernière Nuit Blanche de Toronto ont été à même de voir la contradiction entre la lourdeur et la rigidité des réservoirs, et la légèreté et la délicatesse du travail de perforation du métal. Pour Veiled Hoods and Stains (2014), Lane réutilise la technique de laser— distincte à son travail – pour découper des capots d’automobiles afin de poursuivre sa réflexion sur les dualités entre décoration et fonction, force et délicatesse, retournant toujours à cette idée d’opposition dans la création.
Pour son exposition à Art Mûr, Cal Lane élève au rang de grand art des objets de tous les jours; ces capots d’automobiles qu’on ignore plus souvent qu’autrement, deviennent soudainement des objets de collection. D’ailleurs, on ne les reconnaît que par leur contour : le retrait de l’acier par le laser donne à cette œuvre l’impression d’un tissu délicat, presque flexible et malléable. Lane a dit de son œuvre Filigree Car Bombing, présentée à la galerie en 2007: «le métal broyé du véhicule est coupé en une dentelle fine créant ainsi une draperie de perturbation et de tristesse, un conflit entre l’attrait pour un travail de fantaisie et celui d’une image horrible ». Bien que moins politique, les capots d’automobiles présentés peuvent être porteur du même discours: la constante antinomie entre une carrosserie soulevée avec force et une dentelle maniée avec soin appelle à une discorde évidente.
Dans Veiled Hoods and Stains, Cal Lane utilise également les capots pour réaliser des impressions de rouilles comme l’empreinte d’un impact d’automobile. Cette fois-ci, la bavure qu’elle laisse sur le support donne un effet de brûlure. Même si à première vue l’œuvre semble éthérée, la marque laissée par le capot rappelle la robustesse du véhicule. Encore là, une contradiction s’observe: est-ce le tissu qui en fait, voilait les capots? Est-ce la légèreté qui est porteuse de pesanteur? Maniant habilement les relations contraires, Cal Lane donne aux objets banals la grandeur qu’ils méritent.