Portrait

Du 3 mai au 21 juin 2025
Vernissage : Le samedi 3 mai 2025 de 15 h à 17 h
Judith Berry : Portrait

Texte par Virjiny Provost

Dans la pratique de Judith Berry, les frontières entre les genres picturaux se dissolvent dans une alchimie poétique et singulière. Peintre de paysages instables, mouvants et surréalistes, ses toiles ne décrivent pas ; elles transforment. Chaque œuvre devient une énigme où le décor se plie, se métamorphose et prend vie. Tantôt visage, tantôt élément naturel, l’environnement se dresse devant nous comme une créature hybride, à la fois objet, être vivant et territoire. Les compositions de l’artiste proposent un univers où les identités basculent, où le sujet est à la fois surface terrestre et reflet intérieur.

À première vue, l’on croit croiser des portraits : des êtres dressés, dont les regards — absents, détournés ou masqués — installent d’emblée une distance. Pourtant, à y regarder de plus près, ces figures se brouillent. Une tête devient citrouille, une vallée prend la courbe d’une épaule. Ces apparitions ambiguës refusent toute lecture univoque. Elles sont à la fois masques et révélations, corps habités et fragments d’environnement. L’œil se perd dans ces surfaces peintes qui dissimulent tout autant qu’elles révèlent.

Les chevaux, emblèmes de force et de puissance, incarnent ici cette tension entre l’animal, le paysage et le symbole. Parés d’armures, leurs silhouettes dominent, traversés par la chaleur de la terre et l’écho du passé. Aveuglés, leur présence semble presque en être intensifiée ; car c’est peut-être le regard, cette lucidité animale, qui nous maintient à l’écart. Lorsqu’il s’éclipse ne demeure que la chair, masse silencieuse que l’on peut enfin approcher, presque toucher. Le corps, ainsi libéré de toute intention, devient pur territoire : une étendue à parcourir du regard, un relief à explorer sans fin.

À travers ses portraits-paysages, Judith Berry interroge notre rapport au vivant et à l’identité. La nature, dans son travail, n’est jamais inerte ; elle est matière organique, indissociable de notre propre métamorphose. Elle explore notre emprise sur le monde, et ce qu’il nous confie en retour. Elle est portée comme un vêtement, absorbée comme une empreinte, transmise comme un souvenir. Ici, tout est question de présence. Les personnages de l’artiste s’imposent avec une intensité troublante — ni tout à fait humaines, ni complètement autres. L’environnement que nous habitons est aussi celui qui nous façonne.
De cette fusion des formes et de cette porosité entre les genres naît une esthétique profondément sensorielle, imprégnée d’un équilibre subtil entre la beauté et l’étrangeté, le réconfort et l’inquiétude. Une dimension où le paysage est une énigme habitée, un miroir sans contours, une mémoire toujours en mutation.

L’artiste tient à remercier le Conseil des arts et des lettres du Québec pour leur support.