Vernissage : Le samedi 4 mars de 15 h à 17 h
Holly King : A la frontière du mystère
Art Mûr, Montréal (QC)
Texte d’Isa Tousignant. Traduit par Suzanne Viot
Est-ce que vous êtes du genre amateur de plein-air ? Je veux dire : appréciez-vous aussi les vrais paysages, ou bien seulement leur reproduction ?
Je pense aimer les deux. Je passe beaucoup de temps dans la nature – je vis dans les Cantons-de-l’Est – mais les paysages m’ont toujours interpelée, même quand j’étais toute petite, et c’est encore le cas aujourd’hui. Pour moi le paysage est souvent mêlé à toutes sortes de répercussions sur le plan psychologique. J’essaie de restituer dans mon travail une sensation d’incertitude, de sublime, une sensation de quelque chose que l’on ne peut appréhender complètement.
Qu’est-ce qui vous a inspiré une pratique analogue à la construction de décors ? Avez-vous commencé par faire du théâtre ?
En quelques sortes, oui. J’ai commencé par l’art performance. Pendant à peu près cinq ans, j’ai fait des performances que j’ai présentées dans plusieurs musées et galeries. La transition entre cette pratique et la photographie que je fais maintenant eut lieu entre 1983 et 84, quand j’ai commencé à créer en studio des performances destinées uniquement à mon appareil photo. Je construisais un décor dans lequel je réalisais ensuite la performance. Quelques années plus tard, j’ai décidé de me passer de personnage, et bien sûr je fus alors en mesure de réduire la taille des maquettes.
Est-ce que ces décors faisaient aussi appel au paysage ?
Il s’agissait de paysages avec des références mythologiques, et ils comportaient des éléments tirés de l’histoire de l’art et de l’architecture.
Vous travaillez à quelle échelle maintenant ?
Le support de mes décors mesure environ un mètre carré.
Outre la photographie, votre travail comporte aussi beaucoup de peinture et de dessin. Dans la série Forests of Enchantment par exemple, les vrilles végétales semblent peintes sur un verre placé entre la lentille et le décor, c’est bien ça ?
Oui, c’est de l’encre de chine sur un acétate placé au premier plan. De nombreuses personnes ont pensé que je dessinais sur les photographies. J’étais intéressée par l’idée d’un écran visuel, l’idée de se déplacer dans un paysage et d’être arrêté, de façon à devoir s’immerger plus lentement. Mes décors sont très concrets. J’ai fait mon apprentissage dans les arts visuels et non en tant que photographe. À ce jour, j’enseigne le dessin et la peinture à l’université de Concordia, et non la photographie.
Je dirais même que vous faites de la sculpture.
Sculpture, dessin, peinture… Vous trouverez toutes ces influences dans le corpus. En fait, il y a quatre nouvelles œuvres dans cette exposition et j’ai recommencé à peindre des ciels pour leur réalisation.
Est-ce que vous considérez vos œuvres comme des installations, d’une certaine manière ?
Pas vraiment, parce que je crois qu’il faudrait que je travaille à plus grande échelle. À vrai dire, je ne me suis jamais lancée là-dedans, alors que j’ai toujours eu envie de le faire.
J’imagine que vos maquettes seraient très intéressantes à voir.
Elles sont très modestes. Il y a une métamorphose qui vient des procédés photographiques et de l’éclairage des pièces – le maniement de la lumière est crucial. C’est l’aspect que je retravaille encore et encore. Sans la photographie, le décor ne ressemble pas à grand-chose! Toutefois pour cette exposition, j’ai construit deux boîtes à visionnement. Ce sont des boîtes en bois sur trépieds, dans lesquelles j’ai construit des paysages miniaturisés avec une perspective forcée. C’était un projet extrêmement intéressant à réaliser.
Diriez-vous que votre première motivation réside dans l’exploration de l’artificiel ou bien dans le paysage ?
Oh, le paysage. Mais il y a une tension entre la vraisemblance et le paysage. Je ne veux pas créer des illusions parfaites ; à travers mes œuvres, j’essaie de sonder notre compréhension du paysage et la façon dont nous le percevons.