Vernissage : Le samedi 16 janvier de 15h00 à 17h00
Karine Payette : De part et d’autre
Texte d’Anne Philippon
Karine Payette place l’ambivalence et l’entre-deux au centre de ses œuvres. Ces espaces intermédiaires se traduisent par la réalisation de mises en scène au naturel ambigu où interagissent des sujets et des objets à des moments figés dans le temps, laissant entrevoir un avant et un après. Son univers singulier, où s’entremêlent le réel et l’imaginaire, se rattache au banal et au quotidien et constitue une porte d’entrée vers une multitude d’interprétations.
Son plus récent corpus, intitulé De part et d’autre, renvoie à la dualité des rapports humains-animaux. Variables en fonction des époques, des contextes et des lieux, les relations anthropozoologiques servent au sein de cette exposition d’archétypes pour représenter les rapports pluriels qu’entretient l’humain avec les animaux, et par extension, avec l’Autre.
Tour à tour, les œuvres rassemblées soulèvent des réflexions éthiques sur nos interactions avec les animaux domestiques et tout particulièrement sur la vision anthropomorphique et narcissique, ainsi que la manière utilitariste de penser la relation à l’animal. Représenté comme s’il s’agissait d’une capture d’image, Pavlov reproduit une tête de chien dont une paire de mains tente, par la manipulation de ses babines, de le faire sourire. Réalisée de manière hyperréaliste, cette scène un peu saugrenue questionne l’une des grandes différences entre l’humain et l’animal : l’action de sourire. Le sourire joue un rôle social important, il peut être joyeux, sympathique, ironique ou bien moqueur et contrairement à la crainte, la peur ou la menace, cette mimique est propre à l’homme.
Cette humanisation de l’animal et la perte de son animalité sont également palpables dans l’œuvre De part et d’autre qui montre à voir une jeune femme avec un haut à capuchon rouge embrassant un chien-loup. Cette scène intrigante marque la relation de proximité, d’alter ego et de substitut humain dont l’animal est souvent affublé. À l’opposé, Canevas exhibe davantage l’animal comme un faire-valoir, un accessoire et un bien meuble dont il est parfois l’objet. Parallèlement à ces conceptions, L’Être aux aguets aborde la relation de domination et de subordination par la représentation d’un berger allemand lors d’une séance de dressage. Le maitre se situe en dehors du cadrage et c’est seulement la voix directive qui est entendue et qui ordonne au chien d’enchainer une suite de mouvements imposés, pointant de ce fait l’aliénation, l’assujettissement et le lien de dépendance du chien à son maitre.
Dans son univers surprenant et inquiétant, Karine Payette étudie ce qui se situe dans les marges, les creux et les replis. Les différentes nuances qui teintent les relations paradoxales entre l’humain et l’animal sont révélatrices des diverses attitudes humaines envers l’environnement social et naturel. L’exposition pense en termes de dualité, mais également en termes d’hybridité et de réciprocité, comme le démontrent les photographies saisissantes de la série Entre nous qui capturent sur un fond blanc l’interpénétration entre l’espèce humaine et l’espèce animale, mettant à jour la mutabilité des frontières. Comme l’ensemble des réalisations de Karine Payette, De part et d’autre témoigne de sa fascination pour le vivant et la représentation du corps, ainsi que de son intérêt pour les notions d’identité et d’altérité.