Diana Thorneycroft: Canadians and Americans (Best Friends Forever… It’s Complicated)
Texte de Vincent Marquis
« Tout allait bien avec l’identité canadienne », me confie l’artiste manitobaine Diana Thorneycroft, en faisant référence à ses dioramas photographiques The Canadiana Martyrdom Series (2006), Group of Seven Awkward Moments (2007-2009) et A People’s History (2008-2011)1. Accessible et familière, l’identité canadienne se prêtait facilement au jeu de la critique. En combinant imagerie du Groupe des Sept et humour noir, par exemple, Thorneycroft est parvenue à renverser le contenu culturel auquel elle avait toujours été exposée.
Initialement, Canadians and Americans (best friends forever…it’s complicated) devait appliquer ce même esprit critique à la culture américaine en parodiant des icônes telles que Marilyn Monroe, Clint Eastwood et Charlie Brown. Mais Thorneycroft s’est vite confrontée à l’immensité et à la perméabilité du « monolithe de la culture américaine2 ». C’est devant cette impasse qu’elle choisit d’insérer un « élément subversif canadien » dans chacune des images de la série, afin de pouvoir critiquer « l’égo américain impérialiste stéréotypé3 ».
C’est ainsi que, dans The Swimming Hole (Michael and his bodyguard) (2012), la présence de la figurine articulée gay Billy vêtue en mountie ravive le tabou autour de la sexualité de Michael Jackson. Ou encore, dans Lake O’Hara (2012), que la toile éponyme de J.E.H. MacDonald sert de toile de fond à un Superman bien en selle sur le célèbre Northern Dancer, premier cheval de course canadien à remporter le Kentucky Derby. Ici, le Canada agit-il comme soutien aux États-Unis ou comme ennemi secret—tel celui qui paralysa Christopher Reeve? Ne serait-il pas, à degrés divers, les deux à la fois?
Comme l’indique David S. Churchill, les Canadiens sont en un sens les « non-Américains » : un peuple dont l’histoire porte les innombrables cicatrices de conflits avec son voisin. Mais à bien des égards—culturellement, économiquement, linguistiquement—le Canada est aussi un peuple proprement américain. « Les plus vieux ennemis sont aussi les meilleurs amis4 ». En fin de compte, la série Canadians and Americans incarne ce rapport tendu et souvent contradictoire entre les deux nations. Tantôt humoristique, tantôt polémiste, l’oeuvre de Thorneycroft illumine autant le revers de la culture américaine que celui de sa voisine. Comme quoi en observant ce que l’on n’est pas, on comprend aussi qui l’on est.
1. Diana Thorneycroft, conversation avec l’artiste, 28 octobre 2014.
2. Diana Thorneycroft, http://dianathorneycroft.com/collection-canadians-americans.php.
3. Ibid.
4. David S. Churchill, « Best friends forever…it’s complicated » (manuscrit inédit), document PDF.