Henri Venne explore depuis plus de dix ans l’entre-deux qui unit tout autant qu’il disjoint les médiums de la photographie et de la peinture. S’amusant à déjouer les attentes des spectateurs, il n’hésite pas à faire de la photographie picturale, empruntant les caractéristiques d’un médium pour les explorer à partir des ressources de l’autre. Il est habituel, dans une exposition de Venne, de se trouver face à une photographie abstraite, évocatrice d’un tableau monochrome ou minimaliste, où la picturalité est à la fois le moyen et le sujet de l’œuvre : le moyen puisqu’il s’agit de réflexions photographiées, produites à partir de panneaux peints placés stratégiquement dans le paysage; le sujet puisque la surface matérielle photographiée est d’abord picturale avant d’agir à titre d’empreinte, de trace pointant vers un ailleurs hors du cadrage. La teneur de cette surface se laisse identifier parfois grâce aux coups de pinceaux qu’elle retient, alors qu’elle n’est d’autre fois perceptible que par la couleur qu’elle impose à ce qu’elle figure par reflet.
Cette brève description d’un procédé cher à l’artiste attire l’attention sur l’élément central dont l’action est essentielle à la photographie et au monochrome, soit la lumière, au cœur du procédé mécanique de l’un, et de la capacité de rayonnement de l’autre. S’il est vrai que certains codes nous amènent à reconnaître des vues paysagères dans ces étendues monochromes, ce sont plutôt des jeux de reflets vaporeux, d’ombres brumeuses et d’ondulation floues que ces œuvres nous donnent à voir. Parsemées d’horizons, de nuages ou de zébrures attisant l’imaginaire, qui peut y voir alternativement un arbre, un éclair ou une fissure, les photographies de Venne se situent également à la rencontre de la figuration et de l’abstraction, un autre espace indéterminé qu’il aime à sillonner.
Un même flottement habite ses différentes séries, qui évoquent à la fois des vues macro et micro, troublant le regard qui n’a plus aussi facilement conscience de l’échelle de ce qu’il perçoit. Traitant tour à tour de la trace infime et de l’étendue infinie, au sein d’un même corpus, et parfois d’une même œuvre, Venne demande du regardeur qu’il soit attentif aux variations formelles de textures et de couleurs. Ce dernier se trouve alors étrangement à faire appel, afin de « lire » une image photographique, aux outils d’analyse qu’il emploierait devant une toile abstraite, ce qui confirme que la photographie n’est pas toujours aussi transparente à son référent qu’on le croit.