Du 7 juillet au 11 août 2007
Dans les oeuvres de Trevor Kiernander, photographie et histoire de l’art cohabitent. De sorte que ses toiles à fonds monochromes, servent aussi bien de supports à des portraits, des natures mortes, des memento mori qu’à des formes abstraites.
Cependant, l’écart entre le modèle et sa représentation, entre le signe et le signifié, est parfois important, alors qu’ailleurs, il s’amenuise.
En outre, son travail oscille entre minimalisme et néoréalisme se traduisant soit par des formes simplifiées à l’extrême, fermement articulées et entre lesquelles lignes ou tracés sont soumis à des échanges extrêmement subtils, soit par des figures reconnaissables.
Or, quelque soit le sujet de ses toiles, celles-ci s’inscrivent dans l’intemporalité. Et si le temps semble figé; l’espace, lui, reste une abstraction. Exemple : Silence is Gold, Silence is Rust propose une double image, «l’instant d’une expérience intense» qui s’ouvre sur un déploiement physique limite.
Dans Dormant, un rongeur fait l’impression – malgré le titre, «assoupi», d’être mort de sa belle mort. Néanmoins, la peinture, elle, s’enhardit. Sans doute, est-ce dû à ces larges bandes bleues qui la balafrent ici et là.
On repère également au sein du corpus des clins d’oeil à des figures incontournables. Notamment Jim Dine, l’un des représentants du pop art américain, auquel l’artiste montréalais rend hommage dans Pink Sink After Jim Dine. Ou encore Goodbye Monsieur Duchamp , sorte d’adieu peint au fameux ready-made, Fountain de R. Mutt (1917), cet urinoir, refusé par le jury du Salon des indépendants du Armory Show à New York.
De même, Trevor Kiernander retâte de l’un des motifs de prédilection de l’histoire de l’art, le crâne, bifurquant ainsi vers la vanité des choses de ce monde.
À preuve, Lucky, le lapin, finira en civet. Entre-temps, il gît les pattes arrière ficelées, sur fond brun, un large ruban sinueux, jaune, à ses côtés, en guise de signature. Sorte d’emprunt à la nature morte hollandaise mâtinée d’expressionnisme abstrait, l’anachronisme, ici, agit comme un inopiné trouble-fête.
Dans Sittin Pretty, l’image photographique représente un enfant vêtu d’un costume marin, arborant un masque à gaz, se cramponnant à des dégoulinades de peinture verte, rappel du dripping de Jackson Pollock. Ici encore, les temps se chevauchent. Rendant encore plus malaisée l’identification de la créature masquée…
À cet effet, personnages ou animaux surgissent comme des apparitions tout droit sorties, dirait-on, de rêves prégnants. En revanche, la palette anémique de gris et de jaunes sales, rappelant des photos décolorées, crée une sorte de sfumato dans sa «manière de noyer les contours dans une vapeur légère» (Diderot).
Une peinture où les espèces en question sont parfois effacées, voire annulées. Ainsi, des visages aux ovales vides ou bien des têtes enfouies sous des sacs en papier troués, permettant de regarder à la dérobée, font écho à des idées de perte, de fin, de mort ou d’angoisse devant la solitude.