Landscape of Sorrow

Texte de Anne-Marie St-Jean Aubre

Artiste algonquine multidisciplinaire travaillant tout autant la sculpture, la vidéo, la peinture que l’installation, Nadia Myre s’illustre par la profondeur conceptuelle et la cohérence qui traversent l’ensemble de son œuvre. Préoccupée par le sort réservé aux Amérindiens depuis les premiers contacts jusqu’à aujourd’hui, Myre explore à travers sa pratique artistique les enjeux délicats soulevés par la cohabitation culturelle, davantage vécue par les siens comme une tentative d’assimilation. L’artiste est intéressée par les nombreuses situations où des barrières culturelles ont donné lieu à des problèmes de communication et de compréhension, menant aux ambiguïtés et aux revendications actuelles marquant les relations entre Premières nations et gouvernements fédéral et provincial. Elle fait ainsi de son œuvre un espace où se réapproprier son histoire, sa mémoire et ses traditions.

Myre évite les pièges de tous les discours prêchant les notions de pureté et d’authenticité et n’hésite pas à adopter une position ouverte, mariant les traditions et les matériaux, affirmant ainsi clairement le caractère hybride de son art situé à la jonction de savoir-faire ancestraux et contemporains. Ses projets Indian Act (1999-2002) et Scar Project (en cours depuis 2005), des œuvres poétiques et engagées conviant des participants de tout horizon à collaborer à leur création, visaient non seulement à produire des objets artistiques tangibles mais aussi à provoquer des rencontres où échanges et partage d’anecdotes, d’histoires et de souvenirs étaient au rendez-vous. S’inspirant de la mémoire qu’ont les Amérindiens des premiers contacts et des premiers traités signés avec les colonisateurs européens, des histoires documentées sous la forme de ceintures aux motifs symboliques – la ceinture « Wampum » et celle des « Sept Feux Prophétiques » –, Myre se penche dans les nouvelles œuvres présentées ici sur d’autres symboles, tout aussi chargés pour l’histoire contemporaine des Premières nations. Reprenant les logos des compagnies Hydro-Québec et Alcan, dont les activités se font sur des territoires revendiqués par les Premières nations, l’artiste insère un contenu plus environnemental dans sa pratique. Par ces simples logos, c’est l’ensemble des effets dévastateurs que les activités de ces compagnies ont eus et continuent d’avoir sur le mode de vie de ces populations qui est évoqué. Contrairement à ce que leur aspect minimal laisse croire, ces œuvres, comme celles issues des Scars paintings (en cours depuis 2006) et des Want Ads (1996-2006), ne sont simples qu’en surface. Pour le spectateur qui s’arrête à les interroger, ce sont toutes les injustices subies par ces peuples qui s’y trouvent exprimées.