Grenade, Ballon et artifices

Du 18 janvier au 1er mars 2014
Pierre&Marie : Grenade, Ballon et artifices

Texte de Nadège Fortier

Ce n’est pas d’hier que les enfants jouent à la guerre. Longtemps, ils reproduisaient les histoires de cowboys et d’indiens qui leur étaient racontées, utilisant  leurs mains comme des armes à feu imaginaires. Ces jeux ont évolués en même temps que la société, influencés par les récits bellicistes imposés par le petit et grand écran. Dans cette société de consommation dans laquelle nous vivons, ces jeux se sont aussi accessoirisés. Le duo d’artistes Pierre&Marie ont découvert une grenade jouet tout près de l’étalage de bonbons d’un dépanneur américain. Cet objet absurde, qui combine l’acte de jouer et de tuer, fut le point de départ d’une recherche artistique confrontant le ludique et le violent, le merveilleux et le tragique.

Les œuvres de la série Grenade, ballon et artifices créent une tension entre ces deux pôles. Des objets festifs sont mis en situation de façon à créer un je-ne-sais-quoi inconfortable, comme si la fête avait mal tourné. Un unique ballon gonflable est prisonnier des pales d’un ventilateur. Un chapeau de fête abandonné devient l’abri d’un rongeur. De petits animaux sont taxidermisés dans une position qui laisse présager que le jeu est en train de dégénérer en bataille. L’amusant prend un air grave.

De pair avec les armes jouets utilisées par les artistes, une pile de réelles balles de fusils est gélifiée, lui donnant à la fois des airs de bonbons de gelée rouge et de balles maculées de sang. L’enrobage polysémique des munitions parvient à rendre ambigus des jouets qui semblent au premier abord inoffensifs, anéantissant au passage leur menace pour séduire le regard des enfants.

Les œuvres de Pierre&Marie interpellent l’imaginaire collectif dans une société où les médias nous rapportent trop souvent des faits divers tragiques impliquant des enfants et des armes à feu, quelques fois même conçus pour eux par leur taille et leurs couleurs pastelles attirantes. En plein débat sur l’accessibilité des armes à feu, les images que crée le duo explicitent mieux que de nombreux arguments factuels la dangerosité potentielle de cette culture des armes, même sous forme de jouets en plastique. Mais surtout, les œuvres du collectif évoquent cette magie et cette naïveté propre aux enfants qui s’envolent graduellement  en raison d’une réalité parfois très dure, un peu comme un ballon qui nous échappe et qu’on ne peut que regarder avec regret s’emmêler dans un ventilateur sans espoir de le récupérer.