Végétal

Du 3 mars au 28 avril 2018
Vernissage : Le samedi 3 mars 2018 de 15 h à 17 h
Hédy Gobaa : Végétal
Art Mûr, Montréal (QC)

Texte de Farah Benosman

«Un indice est un signe ou une représentation qui renvoie à son objet non pas tant parce qu’il a quelque similarité ou analogie avec lui ni parce qu’il est associé avec les caractères généraux que cet objet se trouve posséder, que parce qu’il est en connexion dynamique (y compris spatiale) et avec l’objet individuel d’une part et avec les sens ou la mémoire de la personne pour laquelle il sert de signe, d’autre part.» – Charles S. Peirce, Dictionnaire de philosophie et de psychologie

Arrivé depuis peu à Montréal, Hédy Gobaa présente Végétal, deuxième exposition individuelle de l’artiste chez Art Mûr, tournée cette fois vers le rapport entre le naturel et le virtuel. À partir de photographies – de jardins, de plantes, d’herbes, de branches, de feuilles, de fleurs – l’artiste réalise une peinture depuis une projection numérique, à la recherche d’une sensibilité située entre le mécanique, le virtuel et le corporel.

Bien que le sujet des œuvres soit le règne végétal, la démarche elle, les en distancie. En effet, un logiciel est à l’origine de la production de cette peinture, permettant à Gobaa de la réaliser à partir d’une projection, articulée aux appareils numériques. Ce qui l’intéresse davantage que la démarche en elle-même est le produit résultant, oscillant entre la dématérialisation du sujet et la profondeur de la peinture créée. Tout le processus se situe sur cette frontière sensible, entre le geste de l’artiste et l’intervention du logiciel numérique. Par la création d’images préalablement défigurées par le virtuel, le résultat demeure inconnu, se situant toutefois dans une multiplicité des formes qui devient fascinante. La peinture incarne une image tantôt reconnaissable – un arbre, une fleur – tantôt fragmentée. L’œil qui traverse la figure à la recherche de sens, à travers ces formes insaisissables, trouve parfois ce que Pierce, l’un des pères de la sémiologie, appelait l’indice dans l’image. Partant d’un imaginaire acquis et bien ancré dans des certitudes, on se trouve déboussolé devant l’incarnation du sujet dénaturée par l’interception numérique.

Cet égarement de la figure est perçu par l’artiste comme une progression dans son processus artistique. L’alliance entre peinture et logiciel est ainsi le témoignage d’une réalité désormais virtuelle, composée d’une multiplicité d’espaces, de vide, de surfaces planes, de couleurs éclatantes et d’images infiniment superposées. La complexité de la peinture est incarnée par l’appareil numérique et par la transformation d’une vision mi réaliste, mi hyperréaliste. Ce travail de transformation lui permet alors de perfectionner sa touche de façon matérielle.

Influencé par l’interprétation du monde contemporain selon Peter Sloterdijk, le sinologue François Jullien et le travail artistique de Lionel Bayol-Thémines, Gobaa désire travailler sur la rupture entre l’objet et le référent grâce au langage visuel du numérique. L’exposition joue sur cette ambigüité entre réel et désubjectivation du présupposé. L’image virtuelle devenue elle aussi référent, l’artiste livre des œuvres dans lesquelles le processus génératif végétal et le numérique se confondent.