Wasted

Du 5 mars au 23 avril 2016
Vernissage : Le samedi 5 mars de 15h00 à 17h00
Zeke Moores : Wasted

Texte de Catherine Barnabé

Si depuis Duchamp l’utilisation de l’objet en art n’est pas matière à réel débat puisqu’elle est omniprésente, les artistes se doivent d’user de stratégies pour ne pas tomber dans la simple équation : si tout peut être art, l’artiste n’a qu’à choisir ce qu’il élève au statut d’œuvre. Il serait facile de plonger dans un discours où l’objet utilitaire et anodin bêtement sorti de son contexte justifie son édification. Car le quotidien a toujours fait partie de l’art, ce ne sont que les motifs et les formes qui se sont transformés avec les époques et les courants. Dans la pratique artistique de Zeke Moores, le rapport aux objets qui nous entourent permet de développer une réflexion sur leurs significations culturelles et sur le système de valeurs qui les régit. Il voit une certaine hiérarchie entre les objets qui se définit par l’importance que nous leur accordons, leurs usages et certainement par la notion de rareté. Ce système est économique et influence la symbolique que nous leur concédons. L’artiste se joue de ces rapports en les contrecarrant grâce à certaines habiletés tenant plus de l’appropriation que du simple déplacement d’un contexte à un autre.

Les œuvres de Moores sont des objets du quotidien qui sont magnifiés par les matériaux avec lesquels ils sont fabriqués. Un transfert est opéré alors qu’il reproduit les objets, ici en aluminium ou en bronze, grâce au moulage au sable, technique qui impose la destruction des objets d’origine. Fait qui n’est pas à négliger car ils deviennent ainsi uniques, ils sont littéralement transformés en œuvres et acquièrent une valeur plus importante que leur modèle. Ils deviennent artéfacts. De plus, grâce aux matériaux utilisés, ils paraissent maintenant plus solides, voire indestructibles. Si Zeke Moores les reproduit sans en transformer les qualités plastiques, c’est certes pour mettre l’accent sur leur banalité, mais surtout sur le poids de ce qu’ils nous évoquent et les références qu’ils imposent.

Les objets qu’il s’est appropriés pour cette exposition sont utilitaires et pour la plupart servent au transport (des denrées, des ordures, des boissons, d’autres objets…). En les reproduisant au lieu d’utiliser des objets fabriqués en série, Moores se positionne sur la production de masse versus le faire de l’artiste. Il s’intéresse à des objets non nobles dont il annihile la fonction utilitaire pour en faire des formes esthétiques, des sculptures qui n’ont plus rien d’anodins car elles soulignent justement les incohérences hiérarchiques du système duquel elles sont issues.