Tangle Wood

Du 23 août au 27 septembre 2008

Texte de Katrie Chagnon

Le corpus d’œuvres présentées dans l’exposition « Tangle Wood » fait état des dernières recherches de Shayne Dark en matière d’installation, de sculpture et d’intervention dans l’espace public. Les questions de lieu, de site et d’environnement inhérentes à sa pratique y sont directement abordées, pointant vers un renforcement des liens entre l’art et la vie dans la réflexion de l’artiste. Il y a de fait, chez lui, une nécessité de penser la continuité entre les espaces naturels et culturels, d’activer des échanges entre les lieux de vie, de création et d’exposition à l’extérieur de toute hiérarchie ou de toute échelle de valeurs. Par une série de transferts sémantiques, formels et spatiaux appliqués aux objets, Dark cherche à révéler la beauté intérieure des choses qui nous entourent dans le but de favoriser une contemplation directe du monde, sans la médiation de la sphère artistique. Sa démarche s’inscrit dans l’optique d’un renouvellement de nos manières de faire et d’habiter les lieux.

La plus récente production de Dark traite de ces enjeux au moyen d’installations de très grands formats. Une « monumentalisation » de son travail est d’ailleurs observée au plan de l’augmentation d’échelle et de l’envergure des constructions créées pour cette exposition. Celle-ci relève du concept de « continuité spatiale », qui se définit par une relation dynamique entre l’objet et son contexte architectural. Par un jeu entre les volumes et les vides, entre la forme, les dimensions, les matériaux et la couleur, l’artiste mobilise l’espace en suscitant chez le spectateur des impressions immédiates, se rapportant à des états physiques et psychologiques primaires. L’installation Red Tide (marée rouge), une masse de bois protéiforme surgissant entre deux panneaux inclinés et appuyés sur les murs de la salle, évoque un courant d’eau puissant ou la cristallisation d’une forme envahissante qui oscille entre sa beauté luxuriante et l’idée de danger propre à l’expérience du sublime. Cette qualité de présence émane de la couleur pure, qui donne une matérialité nouvelle aux fragments d’arbres repêchés par l’artiste pour créer cette œuvre, dans un geste de « réanimation » qui caractérise son processus créateur. L’eau est également le principal élément représenté dans Tangle Wood, une réalisation in situ de plus de 7 mètres de diamètre qui fait référence au transport du bois sur les rivières à l’époque du développement des industries du papier. Les bûches bleues semblent émerger du sol et s’y enfoncer comme dans de l’eau, se mesurant au corps du spectateur par leurs dimensions et les forces physiques qu’elles expriment. Différemment, la sculpture Last Stand fait figure de monument de manière plus traditionnelle, tant au plan formel, par l’usage de la colonne, qu’au plan sémantique, à travers les questions de souvenir et d’édification qui lui sont sous-jacentes. En regard de ces recherches plastiques, l’espace d’exposition devient le lieu de possibilité d’une vie de l’œuvre et d’une vie avec l’œuvre.