Represent!

Du 3 septembre au 22 octobre 2011

Texte de Alexandre Poulin

Voilà déjà plus de vingt ans que Colleen Wolstenholme développe une pratique hybride fortement politisée où l’asservissement des femmes est placé à l’avant-plan. Dans les années 90, c’est notamment avec ses bijoux et sa série d’œuvres picturales, sculpturales et digitales reliées à l’univers féminin et créées à l’effigie de comprimés pharmaceutiques qu’elle acquit une certaine notoriété et s’inscrit fermement dans le courant de pensée féministe. Favorisant des formes d’art traditionnellement assignées aux femmes (tissage, joaillerie, céramique, etc.), Wolstenholme actualise l’art décoratif tout en se positionnant face aux pratiques culturelles. Elle s’inspire d’objets de la culture visuelle qu’elle détourne pour ensuite proposer des œuvres au pouvoir symbolique évocateur.

Si une double lecture fort pertinente est possible en regard des différentes pièces de l’artiste et de leurs aspects formels, c’est d’abord sur le plan iconographique que celles-ci saisissent : femmes voilées, camouflées; femmes à tête d’animaux, issues de l’imaginaire érotique; bijoux à l’effigie de marques d’antidépresseurs et d’anxiolytiques… L’abondance de l’imagerie féminine et de ce qui la définit se retrouve au cœur de la pratique de Colleen Wolstenholme. Cherchant à dénoncer l’oppression des femmes tout en questionnant leur identité, cette dernière multiplie les stratégies afin de mettre en lumière une réalité qui semble parfois nous échapper. Elle compare tantôt la valeur d’une femme à celle d’une vache dans ses sculptures de femmes hybrides à tête d’animaux, ou nous rappelle le statut de femme-objet en créant de petites figurines voilées, semblables à de petits bibelots décoratifs. Certes, la représentation de la femme voilée revient souvent dans les œuvres récentes de l’artiste. La place prise dans l’actualité dernièrement par la question du voile – en France notamment – donne certainement un nouveau souffle au sens de ces œuvres. Elles débordent maintenant de la situation domestique des femmes et portent véritablement sur le malaise de la société occidentale face à l’exhibition du fondamentalisme religieux.

Outre leur signification politique, les œuvres que conçoit Colleen Wolstenholme nous apparaissent sous une esthétique fort séduisante. Formellement, le rendu lustré et coloré de ses figurines ou encore la pose érotique que prennent ses femmes hybrides captivent le regard, d’autant plus que leur réalisation fait preuve d’un habile savoir-faire technique. Une certaine distance est donc effective entre la critique sociale, sexuelle et culturelle dont les œuvres sont porteuses et l’esthétique séductrice qui les caractérise. Certes, le sujet des œuvres de Wolstenholme reste politique. Leur réalisation, qui réfère à la culture populaire et frôle même l’esthétique du kitsch, subvertit toutefois leur fonction première. Il en ressort des objets dialectiques évoquant métaphoriquement une forme de résistance face aux inégalités auxquelles sont soumises les femmes.